Le NPD de l'Ontario expulse un membre pour avoir critiqué le sionisme

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Vers le 20 novembre 2022, Henry Evans-Tenbrinke a assisté à une réunion du conseil provincial du NPD de l'Ontario (NPDO) au cours de laquelle il a été question des mesures disciplinaires prises par le parti à l'encontre du député Joel Harden plus tôt dans l'année. Au début du mois, Joel Harden avait été contraint de s'excuser après avoir critiqué Israël pour ses violations des droits de la personne, et avait été accusé d'antisémitisme par des groupes pro-israéliens.[i]  Lors de la discussion au conseil du NPD, Evans-Tenbrinke, militant de longue date du NPDO, a commenté la mesure disciplinaire prise par le parti à l'encontre de Harden. Evans-Tenbrinke a suggéré que le parti avait cédé au « lobby sioniste », ce qui a conduit un participant anonyme à déposer une plainte contre lui pour avoir utilisé un terme prétendument antisémite.

Le 10 janvier 2024, le comité administratif de l'ONDP a envoyé un courriel à Evans-Tenbrinke, lui disant qu'il recommandait que son adhésion soit suspendue jusqu'à ce qu'il s'excuse, retire son commentaire et accepte de suivre une formation sur l'antisémitisme par le Centre pour les affaires israéliennes et juives (CIJA) ou le Projet Shema. En réponse à cela, Evans-Tenbrinke a envoyé une lettre juridique le 8 mars 2024 au parti, demandant son droit de faire appel et de laver son nom. Le 15 mars 2024, le NPDO a répondu par l'intermédiaire de ses avocats qu'Evans-Tenbrinke n'était pas suspendu et qu'il était libre de participer aux activités du parti. Cependant, dans un message contradictoire reçu le même jour, Kevin Beaulieu, directeur provincial de l'ONDP, a envoyé une lettre à M. Evans-Tenbrinke indiquant qu'il devait toujours suivre une formation sur l'antisémitisme. Evans-Tenbrinke et son avocat ont souligné l'importance de faire la distinction entre l'antisémitisme et la critique légitime des politiques de l'État. Ils ont demandé des excuses publiques et une clarification de la position de l'ONDP sur la question israélo-palestinienne, soulignant le défi plus large que représente la défense des droits des Palestiniens dans le discours politique canadien.[2]  

Pourquoi cet incident est-il considéré comme du racisme anti-palestinien (RAP) ?

Le terme « lobby sioniste » utilisé par Evans-Tenbrinke fait référence à une idéologie politique soutenant l'État d'Israël et ses revendications sur la terre de la Palestine historique, plutôt qu'à un commentaire désobligeant à l'égard du peuple juif. Le rapport de L'Association des juristes canadiens arabes (AJCA) sur le racisme anti-palestinien (RAP) affirme que « diffamer les Palestiniens et leurs alliés comme étant intrinsèquement antisémites » est un cas classique de RAP.[3]  Les voix pro-israéliennes au Canada sont souvent promptes à qualifier d'antisémites les critiques de la politique du gouvernement israélien et/ou de l'idéologie fondatrice d'Israël, le sionisme.  

Le sionisme est un mouvement apparu en Europe à la fin du XIXe siècle, qui appelle à la création d'un État juif en Palestine.[4] Il repose sur la croyance religieuse que le peuple juif est le peuple élu de Dieu, que la Palestine est une terre sans peuple et que le peuple juif a le droit exclusif d'immigrer d'Europe et d'être souverain en Palestine. Le sionisme est fondé sur la notion d'unicité raciale juive et sur le fait que les Juifs constituent une race, ce qui conduit à l'auto-ségrégation raciale, à l'exclusivité raciale et à la suprématie raciale.[5]

En faisant référence au « lobby sioniste », Evans-Tenbrinke se référait aux nombreuses organisations de lobbying bien financées au Canada dont l'objectif inclut, explicitement ou implicitement, un mandat de protection des intérêts de l'État d'Israël.[6]

La décision du NPDO de qualifier la critique du sionisme d'antisémite sans tenir compte de son contexte dans une discussion sur les actions d'Israël et les actions politiques des groupes de pression pro-israéliens reflète une tendance plus large à confondre la critique d'Israël et du sionisme avec l'antisémitisme. En même temps, de telles actions marginalisent et sapent les éléments socialistes et progressistes au sein et autour des partis politiques sociaux-démocrates comme le NPD.

Le cas de Henry Evans-Tenbrinke met en lumière une tendance troublante où la critique légitime des politiques d'Israël ou la critique des groupes d'intérêt pro-israéliens qui défendent ou promulguent l'idéologie sioniste au Canada est qualifiée à tort d'antisémitisme. La critique d'Evans-Tenbrinke sur le « lobby sioniste » est centrée sur la suppression des voix propalestiniennes et pro-justice, et non sur l'antisémitisme.

Complément d'information sur l'incident

Au cours de la procédure judiciaire, M. Evans-Tenbrinke a fait part de ses préoccupations concernant l'approche du NPDO en matière d'antisémitisme et ses relations avec les groupes de pression pro-israéliens. L'insistance de NPDO pour qu'il suive une formation sur l'antisémitisme dispensée par des groupes pro-israéliens a incité M. Evans-Tenbrinke à se demander si le parti approuvait la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), souvent critiquée pour avoir protégé les actions d'Israël et ses politiques sionistes de toute critique. M. Evans-Tenbrinke a exhorté le parti à révéler ses interactions avec des groupes de pression pro-israéliens tels que le Centre pour les affaires israéliennes et juives (CIJA). Il a souligné la nécessité pour le parti de définir explicitement sa position sur le conflit israélo-palestinien, arguant qu'il ne peut pas simultanément « défendre l'oppresseur et l'opprimé ».[7]

La résolution demandée par Evans-Tenbrinke et son équipe juridique souligne la nécessité d'une compréhension nuancée des distinctions entre l'antisémitisme et la critique légitime des politiques de l'État israélien. La demande d'Evans-Tenbrinke d'obtenir des excuses publiques de la part de NPDO et de clarifier la position du parti sur la question israélo-palestinienne s'inscrit dans un débat plus large sur la liberté d'expression, l'importance de faire la distinction entre l'antisémitisme et l'antisionisme, et la nécessité pour les entités politiques d'adopter des positions éclairées sur la question palestinienne.[8] Cet incident rappelle de manière cruciale les défis permanents auxquels sont confrontés ceux qui défendent les droits des Palestiniens dans le discours politique canadien, et souligne le besoin urgent de clarté, d'équité et d'engagement en faveur d'une véritable solidarité internationale.

Résolution

L'affaire Evans-Tenbrinke est actuellement devant les tribunaux, selon les dernières informations publiques disponibles.

Dernière mise à jour

2024-03-21

[1] Robert Benzie Queen's Park Bureau Chief. “New Democratic MPP Joel Harden under fire for antisemitic comments,” Nov. 21, 2022, Toronto Start, accessed Mar. 21, 2024 at https://www.thestar.com/politics/provincial/new-democratic-mpp-joel-harden-under-fire-for-antisemitic-comments/article_701697c7-9cd1-5a51-988e-68c517a7c3a7.html

[2] Henry Evans-Tenbrinke, “Reinstate Henry” accessed Mar. 21, 2024 at https://substack.com/@reinstatehenry/notes

[3] “Anti-Palestinian Racism: Naming, Framing and Manifestations,” Apr. 25, 2022, Arab Canadian Lawyers Association, accessed Mar. 4, 2024 at https://static1.squarespace.com/static/61db30d12e169a5c45950345/t/627dcf83fa17ad41ff217964/1652412292220/Anti-Palestinian+Racism-+Naming%2C+Framing+and+Manifestations.pdf

[4] “Zionism,” Encyclopedia Britannica, last updated Feb. 25, 2024, accessed Mar. 13, 2024, at https://www.britannica.com/topic/Zionism

[5] Sayegh, F. (1965). Zionist Colonialism in Palestine. Beirut: Research Centre of the PLO, accessed at https://www.freedomarchives.org/Documents/Finder/DOC12_scans/12.zionist.colonialism.palestine.1965.pdf

[6] While there are a number of different groups in Canada whose mandate includes defending the interests of the state of Israel, some of the most prominent include the Centre for Israel and Jewish Affairs, B’nai Brith Canada, and the Friends of Simon Wiesenthal Centre

[7] Henry Evans-Tenbrinke, “Reinstate Henry” accessed Mar. 21, 2024 at https://substack.com/@reinstatehenry/notes

[8] Henry Evans-Tenbrinke, “Reinstate Henry” accessed Mar. 21, 2024 at https://substack.com/@reinstatehenry/notes